01/05/2025 2 articles reseauinternational.net  9min #276576

Le schisme occidental - 1ère partie : L'Occident en pleine contradiction

par Djamel Labidi

Les dirigeants européens sont inénarrables. En particulier le trio Royaume-Uni, France, Allemagne qui cherche péniblement à reprendre le leadership de l'Occident et à remplacer les États Unis. Ils sont pleins de contradictions.

Ils veulent, par exemple, que les États Unis continuent la guerre contre la Russie en Ukraine. Mais le gouvernement actuel des États Unis ne le veut plus. Ils crient alors que le président Trump «reprend les mêmes arguments que Poutine, qu'il a versé dans son camp» bref que les États-Unis les ont «trahis».

Les États-Unis ont-ils trahi l'Europe ?

Les dirigeants occidentaux dénoncent l'existence d'un «déséquilibre» en faveur de la Russie dans la position des américains. Cependant, si l'on s'en tient aux faits, la vérité est toute autre. Les États Unis avaient pris le parti du régime ukrainien et de l'Europe occidentale contre la Russie. C'est alors que leur position était déséquilibrée. Ce n'est qu'aujourd'hui, en fait, qu'ils adoptent une position d'équilibre, en laissant entendre qu'ils ne veulent plus intervenir en faveur du pouvoir ukrainien. C'est d'ailleurs indispensable au rôle de médiateur qu'ils veulent jouer. Et si les dirigeants occidentaux craignent que le régime ukrainien, s'écroule, faute de soutien américain, c'est bien là la preuve que sans les États Unis, l'Ukraine ne peut rien faire. Les Russes avaient donc raison de dire que les États Unis et leurs alliés européens leur faisaient la guerre par Ukraine interposée.

Cela donne à réfléchir sur la réalité de la mobilisation du peuple ukrainien. Un peuple unanime est invincible. Les guerres de libération, Vietnam, Algérie, Cuba, Afghanistan, ont été là pour le prouver.

En outre, dans le cas de l'Ukraine, il ne s'agit pas seulement d'une aide militaire américaine et occidentale massive, sans précédent. L'Ukraine a été et continue d'être portée à bout de bras financièrement par les États Unis et les autres pays occidentaux. Le pays est l'un des plus pauvres d'Europe. Il a un PIB de  2159,95 dollars /habitant à rapprocher de pays voisins, comparables, comme la Pologne (22 000 dollars par habitant).la Hongrie (16 000 dollars par habitant). La dette de l'Ukraine représentait environ 100% de sin PIB en 2024. Son indépendance depuis trente ans a été suivie d'une catastrophe économique : développement du sous-développement, gaspillage, corruption, pouvoir des oligarques qui ont porté Zelensky, le héros d'une série télévisée, à la présidence dans une atmosphère kafkaïenne, émigration massive, démographie en chute libre etc.. Bref tous les stigmates d'une crise profonde qui la fragilisaient et pouvait la rendre vulnérable à toutes les manipulations.

Avec leur aide financière, les pays occidentaux l'ont littéralement entretenue, voire circonvenue. Voilà ce qu'est devenue ce qui était la perle de l'URSS.

Le déni de réalité

Autre argument des dirigeants occidentaux : ils accusent les négociateurs américains de faire des concessions territoriales à la Russie aux dépens de l'Ukraine. Ces négociateurs en fait n'en font aucune pour la bonne raison que c'est une situation de fait, une résultante des combats, et que ce sont les Ukrainiens qui ont abandonné aux Russes, dans le feu de la guerre, 18 à 20% des territoires contestés. D'ailleurs la situation se détériore sans cesse, les Russes continuant d'avancer, comme cela n'a pu échapper aux États Unis avec tous leurs moyens d'observation et leur présence directe dans le pouvoir et l'armée ukrainienne. Cette armée, sans l'appui américain, ne peut donc que s'effondrer.

Les Européens et les dirigeants ukrainiens ne veulent pas reconnaitre cette réalité, Ils s'acharnent et s'empêtrent dans leurs contradictions. Le président français en particulier bouge dans tous les sens, trépigne. Il prend des initiatives, il fait des réunions européennes, il convoque des réunions d'états-majors français, européens, avec même le Canada et l'Australie mais sans les États-Unis, des réunions qui sont oubliées aussitôt ou qui n'ont pas lieu.

Au lieu pour les dirigeants européens de dire simplement la vérité à leurs peuples, comme le fait, finalement, le président Trump au sujet de cette guerre, ils disent, que l'aide n'a pas été suffisante. Eux et les dirigeants ukrainiens demandent encore et encore du temps et de l'argent, arguments classiques d'un déni de la réalité. Faudra-t-il une défaite totale pour négocier ? C'est apparemment ce que veut éviter Trump qui semble au fond plus sage que les va-t'en guerre.

La question du cessez le feu

Une autre contradiction porte sur la question du cessez le feu. On se souvient que le refus par le président Zelensky du cessez le feu proposé par le président Trump avait été à l'origine de l'altercation devenue fameuse entre les deux présidents dans le bureau ovale. Le président Trump lui avait alors reproché vivement, je cite de mémoire, de ne pas voir la réalité, de ne pas réaliser qu'il n'avait «pas les cartes en mains», qu'il détruisait son propre pays, qu'il «jouait avec une troisième guerre mondiale» et que lui, lui offrait, au contraire une chance de sortir de cette impasse.

Puis les dirigeants européens et Zelensky, après s'être un temps opposés à la proposition de cesser le feu, se sont mis tout à coup à le réclamer «immédiat et total». Alors pourquoi reprocher à Trump de vouloir céder à la Russie des territoires puisque par définition le cessez le feu consacre la perte de ces territoires en figeant les lignes de combat actuelles. Les dirigeants européens se sont aperçus probablement que c'était le moyen de sauver une armée ukrainienne à bout. La ligne officielle concertée, ukrainienne et européenne, est donc de réclamer désormais d'abord un cessez-le-feu sur le champ pour arrêter l'armée russe et ensuite de commencer des conversations de paix sans cette pression russe. Leurs reproches, faits à Trump, ne tenaient pas donc la route, sauf si on comprend que derrière tout cela il y avait leur espoir, que les États Unis poursuivent à leurs côtés la guerre contre la Russie.

Ils n'ont, d'évidence, pas renoncé à cet objectif. Leur calcul est, en même temps, de façon contradictoire mais on devine pourquoi, que Poutine refuse les propositions américaines, continue la guerre, déçoive ainsi le désir impatient de Trump d'en finir, et qu'on se retrouve à la case départ, comme au «bon vieux temps» de Biden. Ils veulent donner à Trump la preuve que ce n'est pas eux, mais la Russie qui veut la guerre. Ils veulent, lui «ouvrir les yeux», comme ils le disent avec un reste de tendresse nostalgique.

Dès qu'il leur semble que Trump s'attaque à Poutine, leur cœur alors tressaille. Ils reprennent espoir. Ils ne désespèrent pas de faire revenir le père à la maison, à la raison, après ses incartades. Ils veulent se persuader qu'il ne s'agit que d'un égarement.

Dans ce jeu-là, le président Macron est le plus doué. Il ne rate pas une occasion de vouloir toucher Trump, le rencontrer, le convaincre. Un dernier exemple vient d'être donné à Rome, à l'occasion des funérailles du Pape. Le président Macron a dû suivre le président Trump à la trace puisqu'il était, comme par enchantement, là, lorsque celui-ci a croisé Zelensky. Mais Trump n'a demandé que deux chaises dans cette grande salle de la basilique Saint Pierre, une pour lui et l'autre pour Zelensky, malgré une posture ostensiblement d'attente du président français, qui trahissait d'évidence son désir intense d'être invité à l'entretien.

Psychodrame historique

Un détail, peut-être, mais combien significatif de ce psychodrame historique qui rebondit sans cesse. Il exprime à merveille les contradictions actuelles de l'Europe occidentale par rapport à l'Amérique actuelle, dans une relation à la fois d'attraction, de soumission et de déception amoureuse, comme les orages d'un divorce annoncé.

On se demande parfois ce qui l'emporte chez les européens dirigeants, le déni ou la propagande. Cet entretien de Rome entre les présidents Trump et Zelensky le montre. La propagande a voulu lui donner l'allure d'un évènement historique. L'entretien a été monté en épingle. À son propos, tous les superlatifs ont été utilisés : «photo extraordinaire, symbole, et même «intervention du Saint Esprit» !», et tout cela pour quinze minutes rapides de conversation, même pas en tête à tête. Il a été dit que Trump voulait ainsi réparer son erreur d'avoir humilié Zelensky, car elle lui avait fait perdre des millions de voix de citoyens américains, comme l'a prétendu avec aplomb un chantre aussi connu que borné de la propagande médiatique française. C'était oublier que c'est Zelensky qui avait exprimé, bien auparavant, son projet d'aller à Rome pour créer l'occasion d'y rencontrer Trump. Sur la photo, il semblait frémir d'émotion de ne pas être cette fois ci réprimandé par le grand protecteur. En témoignent les remerciements appuyés que cette fois ci Zelensky n'a pas oublié d'exprimer dans son message au présidente Trump. C'est dire l'emprise des États Unis dans la représentation mentale des dirigeants européens et à fortiori de ceux de l'Ukraine actuel, entièrement adorateurs des États-Unis dès le départ. L'humiliation de Zelensky dans le bureau ovale a eu effectivement une portée symbolique mais dans le sens où les dirigeants de l'Europe occidentale l'ont ressenti, comme si eux-mêmes l'avaient subi. Il n'y avait qu'à voir comment, après, immédiatement, ils s'étaient rencontrés à Londres pour consoler Zelensky et le traiter en héros, d'avoir «affronté courageusement Trump». Où l'Histoire quotidienne se transforme en feuilleton. Pauvre Ukraine, manipulée ainsi par des élites dirigeantes occidentales qui la poussent sans cesse à la confrontation, sans souci pour sang versé par son peuple.

Tous ces épisodes sont significatifs du désarroi actuel de l'Europe ainsi que du climat dans lequel l'Histoire se fraye en ce moment un chemin. On ne cesse d'être étonné par cette tendance actuelle de l'Occident européen et de ses dirigeants, à ramener la politique à des relations entre personnalités, et à montrer ainsi les limites de leur culture historique, ignorants apparemment que l'Histoire évolue sous l'action de forces bien plus profondes. Dans ce cas de figure, s'il y a bien une réalité qui commence à apparaitre, c'est que le président Trump s'est retiré de la guerre en Ukraine, comme il avait commencé à le faire pour l'Afghanistan, car qu'il n'avait pas d'autre option et qu'il avait d'autres priorités.

Du conflit en Ukraine aux droits de douane

Autre contradiction, autre conflit entre les États Unis et l'Europe, c'est celui économique et commercial, qui s'est développé autour des droits de douane rédhibitoires décidés par la nouvelle administration américaine. Elle a révélé la prise de pouvoir à Washington d'un courant nationaliste, sur le plan économique comme sur le plan politique, en opposition au libéralisme économique et politique prédominant en Europe. La combinaison de ces deux oppositions, sur le plan économique, et autour du conflit en Ukraine, a mis bien à mal la solidarité occidentale.

Toutes les contradictions qui viennent d'être décrites, nous amènent à poser la question qui sous-tend toute cette réflexion : Y a-t-il un conflit de nature nouvelle à l'intérieur de l'Occident qui permettrait de comprendre cette atmosphère orageuse qui y règne, entre les alliés de toujours, les États Unis et l'Europe occidentale. Y a-t-il un clivage, une différenciation, une fracture qui s'est opérée et quelle est sa nature ? On lui donnera, dans le prochain article, le nom de «schisme». On verra pourquoi.

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 Le schisme occidental - 1ère partie : L'Occident en pleine contradiction

Le schisme occidental - 2ème partie : Un évènement sans précédent.

Djamel LABIDI

On peut aborder cette question sous l'angle suivant : les dirigeants européens se sont conduits indiscutablement, jusqu'à la prise de pouvoir de Trump, comme des vassaux des Etats Unis. Une preuve de cela, entre tant d'autres, est l'énorme évènement qu'a constitué le sabotage du gazoduc 'Nord Stream'. Les dirigeants allemands, et européens en général, l'ont accepté en silence et ils ont acheté, sans aucune difficulté, sans souci pour leurs propres intérêts nationaux, le gaz liquéfié (GNL) des Etats Unis, de 40% plus cher que le gaz russe.